L’acquéreur fautif peut être condamné à indemniser l’agent immobilier privé de ses honoraires
Quand le refus de réitérer une vente immobilière devient fautif
Dans une décision récente (Tribunal judiciaire de Lille, 1re chambre, 10 janvier 2025 – n° 23/06523), un acquéreur ayant refusé de conclure la vente d’un bien immobilier a été condamné à indemniser l’agence immobilière pour le préjudice subi. Cette affaire rappelle un principe juridique essentiel : l’acquéreur qui, par son comportement fautif, empêche la vente, peut être tenu responsable envers l’agent immobilier, même s’il n’est pas débiteur des honoraires.
Un cadre juridique clair en faveur des professionnels de l’immobilier
Selon les articles 1199 et 1240 du Code civil, une tierce partie peut être tenue pour responsable si son comportement cause un dommage à autrui. Appliqué au secteur immobilier, ce principe signifie que l’acquéreur peut engager sa responsabilité délictuelle s’il empêche, sans motif légitime, la réitération d’une vente déjà engagée par une promesse synallagmatique.
Cette position est soutenue par une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Dans un arrêt de principe (Cass., Ass. plén., 9 mai 2008, n°07-12.449), la Haute juridiction a affirmé que l’agent immobilier pouvait obtenir réparation lorsque la commission prévue est perdue en raison d’un comportement fautif de l’acquéreur.
Les faits : un refus injustifié aux lourdes conséquences
Dans une affaire , l’agence immobilière, avait négocié la vente d’un bien immobilier dans le cadre d’un mandat prévoyant des honoraires de 40 000 euros à la charge du vendeur. Une promesse synallagmatique de vente avait été signée par les parties, avec mention explicite de l’intervention de l’agence.
L’acquéreur s’était engagé à réitérer la vente au plus tard le 15 mars 2021. Pourtant, malgré plusieurs relances et une mise en demeure formelle adressée le 12 mars 2021, il n’a pas donné suite.
Le tribunal a relevé plusieurs éléments clés :
- Aucune condition suspensive de prêt n’était prévue dans la promesse.
- L’acquéreur avait renoncé explicitement à tout financement bancaire.
- Aucun motif légitime n’a été invoqué pour justifier le refus de réitération.
Cette inaction injustifiée a eu pour effet immédiat de priver l’agence immobilière de sa rémunération, alors même que la vente avait été légalement et contractuellement engagée.
Une condamnation logique et dissuasive
Le tribunal a estimé que le comportement de l’acquéreur avait empêché la finalisation de la transaction et entraîné une perte sèche pour l’agence. Il l’a donc condamné à verser 40 000 euros de dommages-intérêts, équivalant au montant des honoraires prévus.
Ce qu’il faut retenir
- L’acquéreur d’un bien immobilier ne peut pas se désengager d’une promesse de vente sans motif légitime, au risque d’engager sa responsabilité extracontractuelle.
- Même s’il n’est pas le débiteur direct des honoraires de l’agent immobilier, il peut être condamné à indemniser ce dernier s’il agit fautivement.
- Cette jurisprudence constitue une protection importante pour les professionnels de l’immobilier, en assurant la reconnaissance de leur travail et de leur droit à rémunération.
Conclusion
Cette décision judiciaire renforce la sécurité juridique des acteurs du marché immobilier et souligne l’importance du respect des engagements contractuels. Pour les agents immobiliers, elle constitue un précédent utile à faire valoir en cas de refus injustifié de réitération de vente par un acquéreur.