Agent immobilier : quand les honoraires dépendent de la conclusion effective de la vente
Le principe de la rémunération conditionnée à la signature d’un acte définitif
En droit immobilier, la règle est claire : un agent immobilier ne peut percevoir ses honoraires qu’à la condition que la vente soit effectivement conclue et formalisée dans un acte signé par les parties. Cette exigence s’impose, même si le mandat prévoit que le mandant s’engage à vendre à tout acquéreur présenté par l’agence.
Cependant, en cas de mandat exclusif, une clause pénale peut prévoir une indemnisation lorsque le vendeur contrevient à l’exclusivité contractuellement définie.
1. Règles juridiques encadrant la rémunération de l’agent immobilier
1.1. Vente non conclue = pas d’honoraires
Selon l’article 6, alinéa 3, de la loi Hoguet du 2 janvier 1970 et l’article 72 du décret du 20 juillet 1972, dans leurs versions modifiées :
- Aucun honoraire ne peut être perçu par un agent immobilier tant que la vente n’est pas conclue dans un acte unique signé par toutes les parties.
- Le mandat ne permet d’engager le vendeur qu’à la condition qu’une clause expresse le stipule.
- Si le vendeur refuse de signer la vente, il n’est fautif que si l’opération est tout de même conclue avec l’acheteur présenté par l’agence, ce qui priverait alors l’intermédiaire de sa rémunération.
1.2. Ce que dit la jurisprudence
La jurisprudence constante de la Cour de cassation confirme ces principes :
- L’agent immobilier ne peut signer la promesse de vente à la place du mandant, sauf clause expresse (Cass. 3e civ., 12 avr. 2012, n°10-28.637).
- La théorie du mandat apparent ne peut permettre de contourner ces règles impératives (Cass. 1re civ., 31 janv. 2008, n°05-15.774).
- Le mandat est un contrat d’entremise : le mandant n’est pas tenu de signer avec un acquéreur présenté, sauf clause expresse et preuve de fraude (Cass. 3e civ., 12 avr. 2018, n°17-14.181 et n°17-14.341).
2. Le mandat exclusif : un régime spécifique assorti de sanctions
Dans le cadre d’un mandat exclusif, le vendeur s’engage à ne pas négocier directement la vente de son bien sans passer par l’agence.
- Si le vendeur ne respecte pas cette exclusivité, une clause pénale peut lui imposer une indemnité correspondant aux honoraires que l’agent aurait perçus en cas de vente.
- Toutefois, le juge peut réduire le montant de la clause pénale si elle apparaît comme manifestement excessive.
3. Une affaire récente : entre non-conclusion de la vente et violation de mandat exclusif
Dans une affaire portée devant la Cour d’appel de Paris (Pôle 4, chambre 1, 9 février 2024, n° 22/01139), Mme F. avait confié à l’agence immobilière un mandat exclusif de vente.
Ce mandat prévoyait notamment :
- L’engagement de signer avec tout acquéreur présenté par l’agence, à défaut de quoi une indemnité correspondant aux honoraires serait due.
- Une clause pénale applicable en cas de manquement à l’exclusivité.
Les faits :
- La vente n’a pas été finalisée : Mme F. a refusé de signer avec l’acquéreur proposé par l’agence.
- Par ailleurs, elle a publié des annonces sur différentes plateformes, en violation de l’exclusivité.
La décision de la Cour :
Sur les honoraires :
- L’agence n’a pas obtenu ses honoraires, la vente n’ayant pas été conclue.
- La Cour a rappelé qu’en l’absence de signature de l’acte et sans manœuvre frauduleuse du vendeur, aucun honoraire n’est dû, même si le mandat contient une clause imposant de vendre à l’acquéreur proposé.
Sur la clause pénale :
- La Cour a reconnu que Mme F. avait violé le mandat exclusif en publiant des annonces durant la période d’exclusivité.
- Cependant, la pénalité de 15 000 € a été jugée excessive : le juge l’a réduite à 8 000€, faute de preuve d’une négociation parallèle ou d’une vente effective.
4. Ce qu’il faut retenir
- La rémunération de l’agent immobilier est subordonnée à la signature d’un acte authentique ou d’un compromis, sauf cas de fraude manifeste.
- Un mandat exclusif peut protéger l’agence, mais la clause pénale prévue en cas de violation doit rester proportionnée.
- Le respect du formalisme contractuel et des règles légales reste indispensable pour sécuriser la rémunération des agents immobiliers.
Cette décision réaffirme l’importance, pour les professionnels de l’immobilier, de rédiger des mandats clairs, complets et juridiquement solides, tout en sensibilisant leurs clients aux engagements qu’ils souscrivent.